Des pieds & des mains, 12.01—25.02.17

La Main, comme le Pied, peuvent être à eux seuls un sujet de tableau ou de sculpture, même s’ils font aussi l’objet d’études préalables à une œuvre de plus grand format. C’est dire toute leur importance dans le domaine de l’Art en général. L’exposition présentée propose quelques œuvres axées sur les détails de la main ou du pied, comme membre actifs du corps, mais aussi de la Création. Ils savent  transmettre des émotions : d’où l’importance du non-dit, qui est parfois un moyen de communication plus sûr que la parole, à condition de ne pas prêter pas à confusion.

Tandis que les pieds grattent le sol, les mains elles s’envolent dans le tourbillon  de la danse effrénée de la vie (cf « Les Castagnettes » de Jean TOTH). Les pointes de danseuse de Marceline ROBERT sont aussi là pour tenter de s’élever du sol et vaincre la pesanteur du corps.  Si l’artiste se laisse émouvoir par  la Main de Dieu (cf « Regarde le ciel »)  ou « la Main de la Grâce », elle est aussi sensible à la force de la Main, celle qui forge le destin de l’homme, celle qui peut tenir une plume entre deux doigts, symbole de vie et de fragilité à la fois. La main aussi qui est capable d’étreindre  solidement une écharpe. L’artiste a réalisé également  une série de cartes numérotées de 1 à 10, s’inspirant des différentes positions de la main sur des fonds unis ou pailletés. La main a été ici reproduite dans tous ses états et avec vitalité.

Les mains et les pieds du jeune enfant qui naît à la vie, bien potelés, prêts à toutes les curiosités pour l’apprentissage du Monde extérieur au ventre de sa mère (cf dessins de Vera DI BIANCA et Jocelyne CHAIGNE)

Les mains sont aussi les instruments privilégiés pour la prière (cf dessin de Louis-Auguste MELOT, reproduction de DURER), pour la musique (cf dessins Marc PARMENTIER,  Amalie GALSTYAN) ou encore l’écriture (cf main anonyme sanguine, eau forte Claude BOURET), de la réflexion, de la sensualité comme une caresse,  ou de la contestation, du poing levé (cf dessin de Marie-Lucie GEDON, Charles LAPICQUE). Elles peuvent aussi accompagner  l’émotion de la chanteuse (les mains de PIAF par Marc PARMENTIER)

Si la poignée de Main est aussi un moyen de communication, la Main fait encore plus, elle transmet les traditions, la culture. Elle est la Mémoire du Monde. C’est dans cette acception que l’œuvre sculpturale de GYLA « Vague à la Femme » nous sensibilise à la conservation des  souvenirs bons ou mauvais,  enfuis ou enfouis, ceux de l’Inconscient qui parfois ressurgissent sans prévenir et vous donnent du « vague » à l’âme. Dans le même esprit, JADE nous fait partager le tourment que les mains peuvent traduire (cf totem) en s’agrippant au corps. Amalie GALSTYAN, dans ses dessins, fait aussi ressortir les liens de dépendance de la main qui brise la chaîne, qui se ferme, ou en encore de la main de la domination sur la ville, par-delà même sur les autres, à moins qu’il s’agisse de la main de l’architecte créateur de la Ville.  Gilbert POILLERAT perçoit la main comme tenant en main le sablier, c’est-à-dire si la main comptabilise les années (ici 1985) et les maîtrise d’une certaine façon.

Mais la main peut aussi être le symbole du Bonheur ou d’une certaine protection celle de Dieu (cf Main de Fatma) ou des parents vis-à-vis de leurs enfants (cf sculpture de Lola BARROSO). La superposition des mains implique « La Vie » trop jeune encore pour évoluer par elle-même et sans risque.

Charlotte MASSIP avec humour et maîtrise nous offre une variété de « Pas chassés » chaussés de différentes façons et quelque peu baroques, tout en restant fidèle à sa veine surréaliste. Ses bottes sont un clin d’œil « au modèle rouge » de Magritte, et renvoient plutôt au rêve qu’au « monstrueux ».  Son pied surmonté d’un ange ailé incite de même à l’imaginaire.

« Toi et Moi » de Juliette CHOUKROUN nous rappelle que les Mains tout en étant deux et complices, sont aussi celles de la générosité et de l’Amour. Paumes ouvertes, elles sont tournées vers l’Avenir, ensemble et avec les autres.

Est-il besoin de rappeler que les pieds ne sont pas faits pour faire la guerre ? C’est le message qu’ont voulu faire passer FOUJITA par la sobriété de son dessin « La chaussure et la dague », et VELICKOVIC de façon plus dense, par ses représentations tourmentées et violentes dont on ne peut nier le réalisme bouleversant.

Le sujet des pieds et des mains est inépuisable et beaucoup de directions artistiques restent encore à exploiter. L’exposition ne prétend pas être exhaustive sur le sujet. La galerie a simplement souhaité attirer l’attention sur ce sujet tellement riche d’expression.

 

Béatrice BELLAT