Le couple: relation fusionnelle, 05.01—29.02.2012

ci-dessus, Cyril Reguerre

A l’heure où l’on s’interroge sur le danger de la relation fusionnelle, l’exposition présente pose deux postulats :

En amour, et même dans l’amour le plus vrai et intense, une relation fusionnelle n’est pas possible à long terme. L’objet de l’exposition n’est pas une fusion constante.

Les échanges au sein du couple n’ont donc rien à voir avec un partenaire dévorant, qui « prend » tout, qui attend tout de l’autre. L’exposition ne porte pas non plus sur une fusion déséquilibrée ou étouffante.

Il s’agit ici de capter ces instants de complicité au sein d’un couple harmonieux, ces instants magiques où tout passe par le regard, sans avoir besoin de prononcer une parole, ces instants d’élans réciproques et de compréhension mutuelle. L’élégance du couple apparaît alors tant au sens physique qu’au sens figuré.(cf le couple de GEORGIO)

Ce silence complice et respectueux de l’autre  peut aussi avoir lieu entre le torero et le taureau. Chacun est dans l’arène et va se livrer un combat à mort. Chacun risque sa vie et ne cédera pas un pouce de terrain à l’autre. Chacun là encore se regarde et se donne sa chance, face au public qui attend. Courage et sens de l’honneur sont au rendez-vous. José MANRUBIA nous le prouve à travers ses différentes œuvres, parfois teintées de surréalisme.

Le monde des ados a lui aussi sa loi du silence et de la confidence. Christian RAFFIN, attentif à ces situations, nous le dépeint ainsi que ces couples de voyageurs qui errent parfois dans un univers indéfinissable. Eux, les bras chargés de bagages, traînant des chariots, restent unis quoiqu’il arrive par la force de leur relation de couple. Ces deux-là peuvent compter l’un sur l’autre dans les moments difficiles et peu importe l’endroit où ils se trouvent, même s’il s’agit du bout du monde.

Marceline ROBERT reste sur le thème de la danse, la danse de couple. Ses danseurs  irradient tellement  de lumière qu’ils communiquent leur rayonnement en toute communion avec leur public. Le spectacle de cette « danse-dense » est également traité par Cyril REGUERRE. Ce dernier s’attache à la relation des corps, les corps en fusion. Mais par leurs encres et leurs pigments, ses dessins savent aussi refléter les jeux d’ombre et de lumière, les respirations nécessaires du couple et du trait, pour laisser souffler l’autre sans jamais vouloir absorber sa personnalité. Henry ESPINOUZE, Jean-Yves TREMOIS ou Amandine DORE mettent aussi l’accent sur l’aspect fusionnel des couples qui s’enlacent avec tendresse puis se laissent emporter dans l’élan de l’acte d’amour, la satisfaction du désir assouvi des corps.

Pour Jean-Pierre ALAUX, le couple est toujours deux, mais sous un même « chapeau-parasol » ou navigue dans la même embarcation, en plein rêve, composante de la création au milieu des quatre éléments ou en encore, créature ailée représentante des « peintres de notre temps », ce temps qui justement devient universel.

Tandis qu’un jeune couple s’embrasse devant la pyramide du Louvre sous les yeux d’un témoin solitaire (DOMIMO : le baiser du Louvre), Jean DESVILLES le place face à ces ancêtres qui eux aussi se sont probablement aimés sous le portrait des générations encore antérieures. Et puis, il y a les couples qui se forment : un homme regarde défiler les « prétendantes » sans savoir encore laquelle choisir. Va-t-il s’en référer aux clichés cinématographiques qui défilent dans sa tête, ou n’écoutera-t-il que les déclics de son cœur en éveil ? Le coup de foudre fait aussi partie de la relation fusionnelle, l’espace d’un instant qu’il ne faut pas rater, de peur d’étouffer la relation dans l’œuf.

Malheureusement, cela arrive aussi …. Chacun hésite, doute du chemin de vie à emprunter …. Et c’est la dé-fusion devant le panneau indicateur dont la flèche marque deux directions opposées, la voiture arrêtée au milieu de la route : la séparation s’avère inéluctable.(cf « Le pont aux USA » de Jean DESVILLES)

Du côté des sculpteurs, le couple est une valeur sûre mais non forcément académique. La matière et la forme évoluent dans le temps et le couple, tantôt de résine (les Amants de Martial GUIGOU) de manganèse (Yves LOHE) ou de bronze (Vertige de Juliette CHOUKROUN) s’aime et s’enlace sous nos yeux avertis. Raja GRAAL quant à elle, transpose toute la poésie de son écriture avec une ponctuation très personnelle sur les corps irisés et ondulants comme des vagues de terre chamottée et de nacre.

L’exposition est enfin là comme une ode à la vie. Elle interpelle les amoureux sur l’aspect mystique, à la limite du divin, de la relation fusionnelle qui temporairement peut se rapprocher du couple mythologique tel que le représente André MASSON ou encore des « Nymphes » de Léonor FINI.

La relation fusionnelle, même temporaire, ne pourrait-elle alors être définie comme un signe de maturité du couple ?