Peintre français, naît à Bully-les-Mines dans le Pas-de-Calais, le 12 février 1905 et meurt à la Couture-Boussey dans l’Eure, le 14 mai 1993.
Son œuvre abondante se développe par séries autour de thèmes divers: drames de la condition ouvrière, voiles des bateaux et troncs d’olivier, travaux des paysans, combats de coqs, horreur des guerres, plongeurs nus et plages solaires. Avec Picasso, dont il est l’intime pendant trois décennies, il lutte dans les années 1950 contre le systématisme du réalisme socialiste, sans pour autant rejoindre ses amis peintres non figuratifs.

Le père d’Edouard PIGNON appartenait à une famille de mineurs. Après des études primaires, il s’engage à la mine, puis devient manoeuvre dans le bâtiment. Son service militaire terminé, il monte à Paris pour devenir peintre, mais, pour subsister, il doit pratiquer de nombreux métiers, chez Citroên, Renault, Farman, tout en suivant des cours du soir.

En 1941, il s’associe aux « Jeunes peintres de tradition française » qui exposent à la Galerie Braun, manifestation à la fois esthétique et politique. Dès lors Pignon vit tout entier pour son art. En 1960, le Musée National d’Art moderne de Paris consacre au peintre une rétrospective de son oeuvre.

De la première période, antérieure à la Deuxième Guerre Mondiale, ne subsistent que de rares témoignages, tels « L’Ouvrier mort » de 1936 ou « L’Hommage aux mineurs des Asturies » de la même année, illustration d’une peinture à contenu social et qui se situe dans la lignée des grands expressionnistes flamands.

Puis le dessin devient de plus en plus linéaire, sinueux, stylisé, tout en restant expressif. C’est déjà un art personnel et une transposition de la réalité qui situent Pignon sur le même plan que ses amis de l’exposition à la Galerie Braun : Manessier, Estève, Gischia, Bazaine et tous ceux qui, au lendemain de la guerre, vont constituer une nouvelle école française qu’accueillera la Galerie de France.

Chez Pignon, les sujets semblent imposer un style. C’est ainsi que des lourdes formes noires dessinées par les filets que sont en train de remmailler ses « Catalanes » (1946), il tirera les voiles, aux formes légères et géométriques, des compositions quasi abstraites que lui inspire « le port d’Ostende » (1948-1950).

La couleur redevient fluide et limpide. Mais simultanément, Pignon brosse une série de portraits de mineurs. Ainsi un dualisme profond, un conflit psychologique intérieur semblent l’amener à procéder par alternance, dans une sorte de balancement qui assure son équilibre. Et toujours, périodiquement, Pignon revient à de grandes figures humaines qu’il peint dans
L’année 1955 est pour lui celle de la découverte de la Provence. Ses paysages s’aèrent, ouvrant de larges zones tranquilles. L’olivier plus que le paysan en est le centre et il deviendra le thème d’une nouvelle suite.

Thème des combats de coqs et influence sur les thèmes postérieurs

Après le calme des paysages, Pignon redécouvre les combats de coqs de sa jeunesse. A l’incitation de Picasso il réalise à Vallauris, durant l’hiver 1953, deux cents céramiques sur les thèmes de ses toiles : « Quand j’étais à Vallauris, j’ai passé un an à faire de la poterie. .. Mais sur beaucoup de poteries, je faisais des têtes de coqs, en me souvenant de tous les coqs que j’avais connus dans mon enfance. »

A la suite de multiples séjours en 1958 à Marles-les-Mines, Pignon développe le thème des Combats de coqs (1959-1968 et jusqu’en 1973) : « Pendant deux ans, j’allais dans le Nord deux fois par semaine pour assister aux combats de coqs. (…) Il y avait foule autour de moi. Sans compter le brouhaha extraordinaire de la montée des paris pendant les combats, la fumée, les plaisanteries des mineurs, les hurlements des enfants, les quolibets. (…) Il y avait quelquefois quarante combats dans l’après-midi. Cette fois la réalité était véritablement une réalité de combat, de guerre, une nature frénétique. Cela exigeait d’abord une notation, un dessin beaucoup plus rapide, pour dire cette violence du combat (…) Je travaillais quatre ou cinq heures de suite.(…) Toutes ces notations, ces dessins faits dans le temps du mouvement,(…) me donnaient un répertoire de formes en fonction du combat. Non pas des formes pour elles-mêmes, pour leur beauté : mais des formes expressives, des formes directement issues de la réalité, et qui étaient pour moi le combat même. (…) »

Dans la série des « Batteurs de blé » (1961-1962), où vole le tourbillon de la paille, l’arabesque des oliviers se fondent avec l’effort ordonné des hommes dans leur combat contre les éléments extérieurs : « Les combats de coqs se sont prolongés dans les battages de blé en Italie. Les battages accentuaient cette sorte d’éparpillement des éléments en présence. (…) Le battage pour moi, c’était en somme le combat des coqs multiplié. (…).»

Le thème évolue ainsi rapidement en Moisson-guerre (1961-1963) et Batailles (1963-1964) : « …. Il y avait, dans le déchirement de la forme, une curieuse continuité entre les combats de coqs, les battages de blé et les batailles. (…) Dans les Batailles le piétinement des guerriers ne cesse d’avoir un rapport avec le piétinement des pousseurs de blé. (…) C’est notre combat de coqs à nous. » dit encore Pignon

Parallèlement Pignon prend pour thème La vague (1962).

Pignon poursuit le thème dans Les plongeurs, d’après des croquis de Sanary (1962-1966).

A son tour cette série le conduit, regardant les discussions dans les cafés et les films de guerre, à ses Têtes de guerriers (1964-1967) : « D’ailleurs mes Oliviers n’étaient-ils pas des portraits d’oliviers ? Mes Combats de coqs des portraits de coq, presque déjà des têtes de guerriers ? (…) Je voulais exprimer la bestialité du guerrier, la peur du guerrier, son côté burlesque, toujours présent chez cet homme bien souvent stupide et sans cervelle. Son côté méchant également. »

Il y aura enfin les grands « Nus rouges » (1972-1976), nés d’abord de la contemplation des corps sur la plage, puis d’études plus poussées en atelier : formes d’une pureté tourmentée qui éloigne Pignon de Matisse au moment même où il semble s’en rapprocher.

Pignon réalise simultanément de monumentales céramiques-sculptures, Vingtième siècle, de 50 mètres de long sur 10 de hauteur en 5000 morceaux, pour le Centre culturel d’Argenteuil (1970), un “Combat de coqs” pour la Faculté des Sciences de Lille (1971), des Plongeurs pour l’École des Beaux-Arts de Marseille-Luminy (1973). Il conçoit en 1973 les décors, dont une immense figure en fond de scène, pour “Hamlet” monté par Marcel Maréchal à Lyon. [

Il continue de réaliser des céramiques monumentales, L’Été pour Le Creusot (1975), Combat de coqs pour Saint-Étienne-du-Rouvray (1976), L’Homme à l’enfant commandée par Pierre Mauroy pour Lille et Combat de coqs pour Marles-les-Mines (1977). Pignon participe alors à toutes les expositions organisées en soutien aux dissidents emprisonnés en URSS et aux opposants de Tchécoslovaquie.

Enfin, Edouard PIGNON est l’auteur de plusieurs livres dans lesquels il développe ses conceptions esthétiques, sociales et politiques.