l’Anonymat, 04.06—10.07.15

Ambiance feutrée, chamarrée ou sombre, l’anonymat est partout surtout dans les manifestations de masse ou au cœur des collectivités urbaines ou autres. Tout un univers à appréhender en toute simplicité et prise de conscience.

L’anonymat, c’est la nuit au cœur de la ville mystérieuse ….

Des promeneurs se profilent le long des immeubles qui penchent dangereusement : un monde qui s’effondre un autre qui apparaît. Des voyageurs sans visages, des foules errantes, Christian RAFFIN sait nous faire partager ses « Urbanités » avec spontanéité et sensibilité.

Nous prenons le métro avec DOMIMO : lectures ambulantes, baladeurs aux oreilles, indifférence à autrui, et pourtant on sourit, on se regarde sans se voir, on se regarde et l’on s’aime sans le savoir, perdu dans ses pensées, physiquement proche en même temps qu’étouffé. On patiente sur le quai, les bagages à ses pieds ou le sac sur le dos. Puis arrive le métro et l’on croit que c’est la délivrance. Regards en biais, méfiance en même temps qu’attirance. Toutes ces parcelles du quotidien se retrouvent dans les croquis de DOMIMO plein d’humour et de brio. Avec son aquarelle de personnages urbains, Alain GENEST reste dans la même veine.

Cela fait quelques années que Victor SASPORTAS travaille sur les foules. Les manifestations de Charlie du 11 janvier dernier l’ont particulièrement inspiré. Dans son grand carton « La Marche », il rend particulièrement hommage aux dessinateurs de presse assassinés, par l’usage du marqueur et autres matériaux spécifiques à la profession. Puis l’artiste enrichit son thème avec l’acrylique et différentes techniques mixtes sur toile. Tout en préservant l’Anonymat des manifestants, il varie les vides et les pleins, harmonisant ainsi les mouvements de foule. Une respiration nécessaire compte tenu du nombre immense de manifestants. Un travail de perspective et de précision remarquable.

Dans un style plus expressionniste Vera Di BIANCA nous associe, par deux grandes toiles, aux « Gritos de las Mujeres », manifestations de femmes mobilisées suite à l’enlèvement à Bagdad en 2004 de deux jeunes journalistes italiennes faisant partie d’une ONG. Vera, très sensible à la liberté de la presse, et compte tenu de l’immense retentissement de cet évènement en Italie, a créé une deuxième toile en 2007, à Barcelone où elle vivait alors, pour compléter la première toile et créer une suite.

Enfin, Brigitte COSTIGLIOLE nous emmène en ex-Tchécoslovaquie pour y capter l’émotion d’un peuple envahi par les Russes. Nous admirons la délicatesse de l’artiste et sa façon d’apprivoiser la lumière dans la représentation de ce sujet difficile où dominent tristesse et abattement.

Puis vient l’heure du thé, et nous nous réconfortons dans les cafés avec Lydia SAMMARTIN, ces p’tits cafés bien sympathiques, aux décors colorés tout en nuances, avec des élégantes et leurs chiens ou leurs amants, lieux de rencontres et d’observation icognito, lieux quotidiens où l’on a ses habitudes, où l’on s’absorbe dans la lecture du journal, où les garçons en costume traditionnel s’efforcent de servir les clients en préservant leur tranquillité.

Une autre micro société, celle des marchés africains est étudiée de façon personnelle et authentique par Niankoye LAMA. Paniers à provisions en équilibre sur la tête, démarches altières, les femmes africaines reviennent du marché traînant après elles leurs enfants.

Scènes de marchés et autres scènes de vie qui ont inspiré à Jacques LEONARD des croquis très aboutis pris sur le vif d’un marché à Bali, d’un retour de pêche à Jaïpur, de personnages au Rajasthan, ou sur la plage à l’Ile Maurice. Cet éternel voyageur nous livre aussi quelques souvenirs de son séjour en Inde, au bord du Gange où la foule doit respecter certains rites avant de prendre ses ablutions. Les autres voyages sont imaginaires mêlés à des fragments de mémoire de cet immense pèlerin au cours de ses pérégrinations dans le désert ou en compagnie des hâleurs au bord d’un fleuve.

Noirceur de la nuit aussi très finement rendue par Marc PARMENTIER de cette femme au fusain attendant sous un porche, telle la « Barbara » de Prévert.

« Un portrait-synthèse » finit de nous interpeller par son mystère : l’Anonymat ne serait-il qu’une illusion ? Ce que nous croyons « anonyme » ne serait qu’un éclatement de toutes les personnalités individuelles qui composent l’être humain, ainsi que le démontre BABSCHI ?

Tout ceci est laissé la libre appréciation du visiteur bien entendu ! Ce dernier contemplera en outre « Eve au serpent » et le « vase anthropomorphique » de Jean-Pierre ALAUX qui a tenu à participer au décor avec modestie et discrétion pour notre plus grand bonheur.

Béatrice BELLAT